« Le bien ne fait pas de bruit ». Nous connaissons tous cet adage, qui existe dans plusieurs langues. Il ne nous empêche pas d’être très influencés par les reportages sur les crimes et les scandales, parce que les médias en parlent beaucoup plus que des innombrables actions et œuvres de miséricorde qui nous permettent de continuer à vivre sans perdre l’espérance.
Depuis que l’Église existe, par les chrétiens qui en font
partie, elle s’est toujours préoccupée de secourir les
exclus d’une société marchande, où seuls ceux et
celles qui sont productifs ont des droits. En écrivant
cela, je ne veux pas sous-estimer que beaucoup de
personnes de religions différentes ou athées s’engagent
aussi dans le même sens. Mais, selon ma
connaissance, la plupart des oeuvres de miséricorde
ont surgi surtout à partir de la foi en Jésus-Christ, car
Jésus s’est identifié à ces pauvres.
Au Mexique, comme dans plusieurs pays, beaucoup
de gens vivraient abandonnés dans la rue, s’il n’y avait
pas des groupes de personnes qui organisent et soutiennent
des maisons pour venir à leur secours. L’État
reste dominé par les riches, qui sont plus soucieux de
leurs propres intérêts que de secourir ceux et celles
qui ne peuvent subvenir à leurs besoins.
Je voudrais présenter très brièvement une de ces
oeuvres, à laquelle j’apporte ma petite contribution : La
Casa Hogar San Pedro (ou Foyer Saint-Pierre). C’est
un foyer qui accueille plus de 100 personnes déficientes
mentales, des personnes qui seraient
condamnées à vivre dans la rue, sans espoir d’une vie
digne.
En 2001, quand notre maison de formation était à
Altamira, j’ai eu l’occasion d’en rencontrer le fondateur,
José Fraga, un petit commerçant de Tampico, et
j’ai commencé à visiter ces malades chaque semaine.
À ce moment, on n’y accueillait qu’une vingtaine de
personnes. Mais, le fondateur avait déjà commencé à
construire de nouveaux bâtiments à Altamira, en pleine
campagne. Cela lui permettrait d’accueillir davantage
de malades; en même temps, il leur donnait l’occasion
d’accomplir un travail qui les aide à un meilleur
équilibre mental et de collaborer à l’autofinancement
de l’oeuvre. De fait, le foyer continue à survivre avec
très peu de personnel : les malades mêmes, qui en
sont capables, travaillent au ménage et à la propreté,
font la cuisine, cultivent des champs et en vendent les
produits, sous la supervision de la dame responsable.
Je me souviens encore de ce que José m’avait dit sur
les débuts du Foyer Saint-Pierre: un jour, il avait rencontré
dans un dépotoir un homme couvert de plaies.
Il l’avait amené à l’hôpital général de Tampico pour
qu’on le soigne; difficilement il avait pu y trouver un
médecin qui accepte de s’en occuper. Il l’a ensuite
hébergé dans sa propre maison et s’en est si bien
occupé que quelques mois plus tard, cet homme pouvait
se débrouiller pour une vie normale dans la société.
Il a continué à s’occuper de ce type de personnes.
Le but de l’oeuvre est donc d’accueillir ceux et celles
qui sont légèrement déficients mentaux et de leur don-
Crédit: Roland Rivard, c.s.sp.,
« Guérissez les malades… »(Matthieu 10, 9)
Mission‐Air No 117, Hiver 2016 7
ner les soins nécessaires pour qu’ils puissent parvenir,
autant que possible, à se débrouiller eux-mêmes
pour vivre dignement par leur propre travail. On n’y
accueille que les personnes qui n’ont pas de famille
pour les prendre à charge.
José aimait profondément chacune de ces personnes.
Il disait d’elles : il suffit d’enlever la poussière
qui les recouvre pour apercevoir en elles des trésors
qui étaient cachés. Je me rends compte aussi que les
gens qui y font du travail bénévole s’éprennent de
ces malades et aiment retourner à la Casa Hogar San
Pedro. Certaines d’entre elles ont travaillé fort pendant
plus d’une année, en vendant au marché des
vêtements usagés, pour y faire construire une clinique
où il serait plus facile de soigner les malades.
Moi-même, c’est toujours avec joie que je vais les
rencontrer et, chaque fois, je me sens comblé par ce
que je reçois d’eux.
Malheureusement, José est décédé à la fin du mois
de novembre 2012, avant d’avoir pu consolider
l’oeuvre. Par hasard, une paroisse voisine m’a
demandé de célébrer les funérailles d’une personne
en après-midi, sans me dire qui était décédé. J’étais
revenu au Mexique quelques jours plus tôt. Au cours
du dîner avec mes confrères, j’ai découvert que c’était
les funérailles de José Fraga. Je n’ai pas eu de difficulté
à choisir les textes bibliques pour la célébration.
Cela m’a donné aussi l’occasion de renouer avec
l’oeuvre, spécialement Romy (Romana), qui est la
directrice de la maison.
Quand j’y vais pour célébrer la messe, plusieurs personnes
m’y accompagnent et apportent un bon repas
aux malades. Parfois, on y fait la fête avec des chants
et des danses, suivi d’un dîner comme ils en ont rarement.
Nous formons un groupe qui se réunit de temps
en temps pour étudier comment nous pourrions
mieux aider l’oeuvre à se consolider. Il y a beaucoup
d’obstacles qu’il serait difficile d’expliquer ici.
Je collabore à deux autres oeuvres semblables, organisées
par des laïques chrétiens : un foyer qui
accueille une trentaine de personnes âgées sans
famille pour les prendre à charge et une école primaire
pour enfants de familles en difficulté. Je n’ai la responsabilité
d’aucune d’elles. Je ne fais qu’y apporter
ma petite contribution comme prêtre.
Ces oeuvres me font penser que beaucoup de gens
répondent déjà à l’appel du Pape François dans sa
lettre, intitulée Le Visage de la Miséricorde, pour
annoncer l’année jubilaire de la Miséricorde. Il y écrit :
« Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde,
les blessures de tant de frères et soeurs privés de
dignité, et sentons-nous appelés à entendre leur cri
qui appelle à l’aide. Que nos mains serrent leurs
mains et les attirent vers nous afin qu’ils sentent la
chaleur de notre présence, de l’amitié et de la fraternité.
»
Roland Rivard, C.S.Sp.
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